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Galba, le bourreau des Lusitaniens, aurait trouvé que rester dans sa maison du Quirinal ou dans sa terre de l’Épire, au milieu de ses livres et de ses statues, tandis que le sort de Rome se décidait sur le forum ou à Pharsale, c’était commettre le même crime que de demeurer sous sa tente un jour de bataille.

Cette abstention systématique d’Atticus n’était donc pas une idée romaine ; il la tenait des Grecs. Dans ces petites républiques ingouvernables de la Grèce où l’on ne connaissait pas le repos, et qui passaient sans trêve et sans motif de la tyrannie la plus dure à la licence la plus effrénée, on comprend que les hommes tranquilles et studieux aient fini par se lasser de toutes ces agitations stériles. Aussi cessèrent-ils de souhaiter des dignités qu’on n’obtenait qu’en flattant une multitude capricieuse, et qu’on ne gardait qu’à la condition de lui obéir. D’ailleurs ce pouvoir si difficilement acquis, si rarement conservé, quel prix pouvait-il avoir quand il fallait le partager avec les plus obscurs démagogues, et valait-il bien la peine de se donner tant de mal pour devenir le successeur ou le collègue de Cléon ? En même temps que la lassitude et le dégoût écartaient les honnêtes gens de ces luttes mesquines, la philosophie, tous les jours plus étudiée, communiquait à ses disciples une sorte d’orgueil qui les amenait au même résultat. Des hommes qui passaient leur temps à s’occuper de Dieu et du monde, et qui essayaient de saisir les lois qui régissent l’univers, ne daignaient pas descendre de ces hauteurs à gouverner des États de quelques lieues carrées. Aussi était-ce une question discutée ordinairement dans les écoles que de savoir s’il fallait ou non s’occuper des choses publiques, si le sage doit rechercher les honneurs, et laquelle vaut mieux de la vie contemplative ou de la vie d’action. Quelques philosophes donnaient timidement la préférence à la vie active, le plus grand