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les plus beaux pour son ami. Les livres achetés, il fallait les mettre en place ; aussitôt Atticus expédiait son bibliothécaire Tyrannion avec ses ouvriers, qui peignaient les rayons, collaient les feuilles de papyrus détachées, mettaient des étiquettes sur les rouleaux, et disposaient tout dans un si bel ordre que Cicéron, enchanté, écrivait : « Depuis que Tyrannion a arrangé mes livres, on dirait que ma maison a pris une âme[1]. »

Mais Atticus ne s’en tenait pas à ces services pour ainsi dire tout extérieurs ; il pénétrait dans la maison, il en connaissait les secrets. Cicéron n’avait rien de caché pour lui, et lui confiait sans réserve, tous ses chagrins domestiques. Il lui racontait les violences de son frère et les folies de son neveu ; il le consultait sur les ennuis que lui causaient sa femme et son fils. Quand Tullia est en âge d’être pourvue, c’est Atticus qui lui cherche un mari. Celui qu’il proposait était le fils d’un chevalier riche et rangé. « Revenez, disait-il sagement à Cicéron, revenez à votre ancien troupeau. » Malheureusement on ne voulut pas l’écouter. On préféra au riche financier un grand seigneur ruiné qui dévora la dot de Tullia et la força de le quitter. Quand Tullia est morte, peut-être de chagrin, Atticus va visiter chez la nourrice le petit enfant qu’elle a laissé et prend soin que rien ne lui manque. Au même moment Cicéron lui donnait beaucoup d’occupations avec ses deux divorces. Après qu’il eut renvoyé sa première femme, Terentia, c’est Atticus qu’il chargeait de la faire tester en sa faveur. C’est encore à lui qu’il donnait la commission désagréable d’éconduire la seconde, Publilia, quand elle prétendait rentrer de force au domicile de son mari, qui ne voulait plus d’elle.

Voilà sans doute de grands services ; il en rendait

  1. Ad Att., IV, 8.