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avons un moyen facile d’apprécier l’étendue de cette obligeance, de la voir de près, et pour ainsi dire à l’œuvre : c’est de rappeler rapidement les services de tout genre qu’il a rendus à Cicéron pendant leur longue intimité. Cicéron avait grand besoin d’un ami comme Atticus. Il était de ces hommes d’esprit qui n’entendent rien à calculer ; quand on lui présentait ses livres de comptes, il eût volontiers répondu, comme son élève Pline le Jeune, qu’il était habitué à une autre littérature : aliis sum chartis, aliis litteris initiatus. Atticus se fit son homme d’affaires ; on sait le talent qu’il avait pour ce métier. Il affermait les biens de Cicéron très cher, sauvait le plus qu’il pouvait sur les revenus, et payait les dettes les plus pressées. Quand il en découvrait de nouvelles, il osait gronder son ami, qui s’empressait de lui répondre très humblement qu’il serait plus rangé à l’avenir. Atticus, qui n’y croyait guère, se mettait alors en campagne pour combler ce déficit. Il allait trouver l’opulent Balbus ou les autres grands banquiers de Rome avec lesquels il était en relations d’affaires. Si le malheur des temps rendait le crédit difficile, il n’hésitait pas, et puisait dans sa propre bourse. Ceux qui le connaissent ne trouveront pas cette générosité sans mérite. Quand Cicéron voulait acheter quelque terre, Atticus commençait par se fâcher ; mais si son ami ne se rendait pas, il allait vite la visiter et en discuter le prix. S’agissait-il d’y bâtir quelque élégante villa, Atticus prêtait son architecte, corrigeait les plans et surveillait l’ouvrage. La maison bâtie, il fallait l’orner. Atticus faisait venir des statues de la Grèce. Il excellait à les bien choisir, et Cicéron ne tarit pas d’éloges sur les Hermathènes en marbre pentélique qu’il lui a procurés. Dans une villa de Cicéron, la bibliothèque, on le comprend, n’était pas oubliée ; c’est encore de chez Atticus que, venaient les livres. Il en faisait commerce et réservait