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d’étude et de solide savoir ; non pas qu’il fût un savant véritable, ce titre n’est pas une grande recommandation dans les relations du monde : Cicéron trouvait que les gens comme Varron, qui sont des puits de science, ne sont pas toujours amusants, et il raconte que quand il venait le voir à Tusculum, il ne déchirait pas son manteau pour le retenir[1]. Mais sans être véritablement un savant, Atticus, dans ses études, avait touché à tout, aux beaux-arts, à la poésie, à la grammaire, à la philosophie et à l’histoire. Il possédait sur tous ces sujets des idées justes, quelquefois originales ; il pouvait sans trop de désavantage discuter avec les érudits, et il avait toujours à apprendre à ceux qui ne l’étaient pas quelque détail curieux qu’ils ignoraient. Pascal l’eut appelé un honnête homme ; c’était en toute chose un amateur intelligent et éclairé. Or, pour plusieurs raisons la science qu’acquiert un amateur est de celles qui sont le plus de mise dans le monde. D’abord, comme il n’étudie pas par principes, il s’intéresse surtout aux curiosités ; il connaît de préférence les détails piquants et nouveaux, et c’est précisément ce que les gens du monde tiennent à connaître. De plus, la multiplicité même des études qui le tentent l’empêche d’en pousser aucune jusqu’au bout ; son caprice l’emporte toujours ailleurs avant qu’il ait achevé de rien approfondir. Il en résulte qu’il sait beaucoup de choses, et toujours dans les limites où il plait aux gens du monde de les savoir. Enfin le propre de l’amateur est de faire tout avec passion, même ce qu’il ne fait qu’un moment. Comme c’est un goût tout personnel qui le porte à ses études et qu’il ne les continue qu’autant qu’elles l’intéressent, sa parole est plus vive quand il les expose, son ton plus libre et plus original, par conséquent plus agréable que celui des gens d’école, qui tra-

  1. Ad Att., XIII, 33.