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Caton s’était empressé d’accepter : un intendant de ce mérite n’était pas à dédaigner pour un homme qui tenait tant à sa fortune. Il avait séduit le vaniteux Pompée en s’occupant à choisir en Grèce de belles statues pour orner le théâtre qu’il faisait bâtir[1]. Comme il savait bien que César n’était pas accessible au même genre de flatteries, et qu’il fallait, pour se l’attirer, des services plus réels, il lui prêtait de l’argent[2]. C’était naturellement aux chefs de parti qu’il s’attachait de préférence ; mais il ne négligeait pas non plus les autres quand ils pouvaient les servir. Il cultivait soigneusement Balbus et Théophane, les confidents de César et de Pompée ; il allait même visiter quelquefois Clodius et sa sœur Clodia, ainsi que d’autres gens de réputation suspecte. N’ayant ni scrupules farouches comme Caton, ni répugnances violentes comme Cicéron, il s’accommodait de tout le monde ; sa complaisance se prêtait à tout ; il convenait à tous les âges comme à tous les caractères. Cornélius Nepos fait remarquer avec admiration qu’étant très jeune il charma le vieux Sylla, et qu’étant très âgé il sut plaire au jeune Brutus. Entre tous ces amis si différents d’humeur, de condition, d’opinions et d’âge, Atticus formait un lien commun. Il allait perpétuellement de l’un à l’autre, comme une sorte d’ambassadeur pacifique, cherchant à les rapprocher et à les unir, car c’était sa coutume, dit Cicéron, de former des amitiés[3]. Il dissipait les soupçons et les préjugés qui les empêchaient de se connaître ; il leur inspirait le désir de se voir et de se lier, et si plus tard quelque différend s’élevait entre eux, il se faisait leur intermédiaire et amenait des explications qui renouaient tout. Son chef-d’œuvre en ce genre est d’être parvenu à réconcilier Hortensius et

  1. Ad Att., IV, 9.
  2. Ad Att., VI, 1.
  3. Ad Att., VII, 8 : soles conglutinare amicitias.