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duit. En général il ne discute pas, il provoque à discuter. Curieux et insatiable, il demande, il interroge toujours ; il excite à répondre, il soulève les objections, il anime les combattants, et pendant ce temps il jouit tranquillement du combat, sans y entrer jamais. On verra tout à l’heure que c’était justement là son rôle en politique.

Atticus demeura vingt-trois ans loin de Rome, ne la visitant qu’à des intervalles très éloignés et n’y restant d’ordinaire que peu de temps. Quand il pensa que, par sa longue absence, il s’était tout à fait dégagé des liens qui l’attachaient aux partis politiques, quand il eut conquis l’indépendance avec la fortune, quand il se fut assuré contre tous les reproches qu’on pouvait faire à sa conduite en prêtant à sa prudence l’apparence d’une conviction philosophique, il songea à retourner définitivement à Rome et à y reprendre sa vie interrompue. Il choisit pour revenir un moment où tout était calme, et, comme pour achever de rompre avec son passé, il revint avec un surnom nouveau, sous lequel on prit désormais l’habitude de le désigner. Ce nom d’Atticus, qu’il rapportait d’Athènes, semblait indiquer hautement qu’il ne voulait plus vivre que dans l’étude des lettres et les jouissances des arts.

À partir de ce moment, il partagea son temps entre le séjour de Rome et celui de ses maisons de campagne. Il acheva de liquider sans bruit ses affaires de banque, dont quelques-unes étaient encore en, souffrance, et s’arrangea pour dérober au public les sources de sa richesse. Il ne conserva guère plus que ses terres d’Épire et ses maisons de Rome, qui lui rapportaient beaucoup et dont il pouvait avouer les profits. Sa fortune s’accroissait toujours, grâce à la façon dont il l’administrait. Il n’avait d’ailleurs aucun des défauts qui pouvaient la compromettre : il n’aimait pas à acheter ou à bâtir, il ne possédait point de ces splendides villas aux portes