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trouvait mille avantages à s’assurer leur appui. Cicéron avait des hôtes dans toutes les grandes villes de la Grèce et de l’Asie, et c’étaient presque toujours les premiers citoyens. Des rois eux-mêmes, comme Dejotarus et Ariobarzane, s’honoraient de ce titre. Des villes importantes, Volaterræ, Atella, Sparte, Paphos réclamaient à chaque instant sa protection et la payaient par des honneurs publics. Il comptait des provinces entières, presque des nations, dans sa clientèle, et depuis l’affaire de Verrès, par exemple, il était le défenseur et le patron de la Sicile. Cet usage survécut à la république, et au temps de Tacite les orateurs en renom avaient encore parmi leurs clients des provinces et des royaumes. C’était la seule grandeur qui restât à l’éloquence.

Il me semble que ces détails achèvent de nous faire connaître ce qu’était la vie d’un personnage important de cette époque. Tant qu’on se contente d’étudier les quelques personnes qui composent ce qu’on appelle aujourd’hui sa famille, et qu’on ne le voit qu’entre sa femme et ses enfants, son existence ressemble assez à la nôtre. Les sentiments qui sont le fond de la nature humaine n’ont pas changé, et ils amènent toujours à peu près les mêmes conséquences. Les soucis qui troublaient le foyer de Cicéron, ses joies et ses malheurs ne nous sont pas inconnus ; mais dés qu’on sort de ce cercle borné, quand on replace le Romain parmi la foule de ses serviteurs et de ses familiers, les différences entre cette société et la nôtre se montrent. Aujourd’hui la vie est devenue plus unie et plus simple. Nous n’avons plus ces richesses immenses, ni ces vastes relations, ni cette multitude de gens attachés à notre fortune. Ce que nous appelons un grand train de maison aurait à peine suffi à l’un de ces commis de traitants qui allaient recueillir l’impôt public dans quelque ville de province. Un grand seigneur ou même un riche chevalier romain ne se contentait