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la graine de l’urbanité ne se perde[1]. » C’étaient des gens d’esprit aussi, des hommes du meilleur monde que ces chevaliers qui se réunissaient en compagnies puissantes et prenaient à ferme les impôts publics. Cicéron, qui était sorti de leurs rangs, avait des relations presque avec tous ; mais il semble qu’il était particulièrement lié avec la compagnie qui avait la ferme des pâturages de l’Asie, et il dit qu’elle s’était mise sous sa protection.

Cette protection s’étendait aussi sur des gens qui n’étaient pas Romains de naissance. Les étrangers, on le comprend, regardaient comme un grand honneur et une grande sûreté pour eux d’être en rapport de quelque manière avec un personnage illustre de Rome. Ils ne pouvaient pas être ses clients, ils souhaitaient de devenir ses hôtes. En un temps où il y avait si peu d’hôtelleries convenables dans les pays qu’on traversait, il fallait bien, quand on voulait voyager, se pourvoir d’amis complaisants qui consentissent à vous recevoir. En Italie, les gens riches achetaient de petites maisons où ils passaient la nuit sur toutes les routes qu’ils avaient coutume de parcourir ; mais ailleurs on voyageait d’un hôte à l’autre. C’était souvent une lourde charge que d’héberger ainsi un riche Romain. Il avait toujours avec lui un grand équipage. Cicéron nous dit qu’il avait rencontré dans le fond de l’Asie P. Vedius « avec deux chariots, une voiture, une litière, des chevaux, de nombreux esclaves, et de plus un singe sur un petit char et une quantité d’ânes sauvages[2]. » Vedius n’était qu’un Romain assez obscur. Qu’on juge de la suite que traînaient après eux un proconsul, un préteur, quand ils allaient prendre possession de leur province ! Cependant, quoique leur passage épuisât la maison qui les recevait, on briguait cet honneur ruineux, parce qu’on

  1. Ad fam., VII, 31.
  2. Ad Att., VI, 1.