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trouver toujours le matin son vestibule rempli de gens que la reconnaissance attachait à sa famille, et il faisait sensation au forum par le nombre de ceux qui l’accompagnaient le jour où il venait y plaider sa première cause. Cicéron n’eut pas cet avantage ; mais, quoiqu’il ne dût ses clients qu’à lui-même, ils n’en étaient pas moins très nombreux. Dans ce temps de luttes passionnées, où les citoyens les plus calmes étaient tous les jours exposés aux accusations les plus déraisonnables, beaucoup de gens étaient forcés de recourir à son talent pour les défendre. Il le faisait volontiers, car il n’avait pas d’autre moyen pour se faire une clientèle que de rendre service à beaucoup de monde. C’est peut-être ce qui lui fit accepter tant de mauvaises causes. Comme il était arrivé presque seul au forum, sans ce cortège d’obligés qui donnait la considération publique, il lui avait fallu ne pas se montrer trop difficile pour le former et pour l’accroître. Quelque répugnance que son esprit honnête éprouvât à se charger d’un procès douteux, sa vanité ne résistait pas au plaisir d’ajouter une personne de plus à la foule de ceux qui l’accompagnaient. Dans cette foule, il y avait, au dire de son frère, des citoyens de tout âge, de toute condition et de toute fortune. D’importants personnages s’y mêlaient sans doute à ces petites gens dont se composaient d’ordinaire ces sortes de cortèges. En parlant d’un tribun du peuple, Memmius Gemellus, celui qui fut le protecteur de Lucrèce, il l’appelle son client[1].

Ce n’est pas seulement à Rome qu’il avait des clients et des obligés ; on voit par sa correspondance que sa protection s’étendait beaucoup plus loin, et qu’on lui écrivait de tous les côtés pour lui demander quelques services. Les Romains étaient alors répandus dans le

  1. Ad fam., XIII, 19.