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Moniteur. Mais il semble que tout journal officiel soit condamné par sa nature à être quelque peu insignifiant. Celui de Rome contenait un procès-verbal assez terne des assemblées du peuple, le résumé succinct des causes célèbres plaidées au forum, et aussi le récit des cérémonies publiques avec la mention exacte des phénomènes atmosphériques ou des prodiges survenus dans la ville et ses environs. Ce n’étaient pas tout à fait des nouvelles de ce genre qu’un préteur ou un proconsul désirait savoir. Aussi, pour combler les lacunes du journal officiel, avait-il recours à des correspondants payés qui faisaient des gazettes à la main à l’usage des curieux de la province, comme c’était la mode chez nous au siècle dernier ; mais tandis qu’au dix-huitième siècle on chargeait de ce soin des hommes de lettres en renom, familiers des grands seigneurs et bien reçus des ministres, les correspondants romains n’étaient que des compilateurs obscurs, des manœuvres, comme les appelle quelque part Cælius, choisis d’ordinaire parmi ces Grecs affamés que la misère rendait bons à tous les métiers. Ils n’avaient pas accès dans les grandes maisons ; ils n’approchaient pas des politiques. Leur rôle consistait uniquement à courir la ville et à recueillir par les rues ce qu’ils entendaient dire ou ce qu’ils voyaient. Ils enregistraient soigneusement les histoires de théâtres, s’informaient des acteurs sifflés, des gladiateurs vaincus, décrivaient le détail des beaux enterrements, notaient les bruits et les malins propos, et surtout les récits scandaleux qu’ils pouvaient attraper[1]. Tout ce babil amusait un moment, mais ne satisfaisait pas ces personnages politiques, qui voulaient, avant tout, être tenus au courant des affaires. Pour les bien connaître, ils s’adressaient naturellement à quel-

  1. Voir Cicéron, Epist. ad fam., II, 8, et VIII, 1. Je citerai, dans le cours de cet ouvrage, les œuvres de Cicéron d’après l’édition d’Orelli.