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vois qu’on le charge de faire les invitations d’un dîner, ce qui n’est pas toujours sans difficultés, car il ne faut réunir ensemble que des convives qui se conviennent, et Tertia ne veut pas venir, si Publius est invité[1]. Mais c’est surtout comme secrétaire qu’il rendait à Cicéron les plus grands services. Il écrivait presque aussi vite que la parole, et lui seul pouvait lire l’écriture de son maître que les copistes ordinaires ne déchiffraient pas. C’était plus qu’un secrétaire pour lui, c’était un confident et même un collaborateur. Aulu-Gelle prétend qu’il l’a aidé dans la composition de ses ouvrages[2], et la correspondance ne dément pas cette opinion. Un jour que Tiron était resté malade dans quelque maison de campagne, Cicéron lui écrivait que Pompée, qui était alors en visite chez lui, lui avait demandé de lui lire quelque chose, et qu’il lui avait répondu que tout était muet dans sa maison quand Tiron n’y était pas. Ma littérature, ajoutait-il, ou plutôt la nôtre, languit de votre absence. Revenez au plus vite ranimer nos muses[3]. En ce moment, Tiron était encore esclave. Ce n’est qu’assez tard, vers l’an 700, qu’il fut affranchi. Tout le monde, dans l’entourage de Cicéron, applaudit à cette juste récompense de tant de fidèles services. Quintus, qui était alors en Gaule, écrivit tout exprès à son frère pour le remercier de lui avoir fait un nouvel ami. Dans la suite, Tiron acheta un petit champ, sans doute avec les libéralités de son maître, et Marcus, dans la lettre qu’il lui écrit d’Athènes, le raille agréablement des goûts nouveaux que cette acquisition va développer en lui. « Vous voilà donc propriétaire, lui dit-il, il vous faut quitter les élégances de la ville et devenir tout à fait paysan romain. Que plaisir j’ai à vous contempler

  1. Ad fam., XVI, 22.
  2. Aulu-Gelle, VII, 3.
  3. Ad fam., XVI, 10.