Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un crime que Cicéron ne pardonnait pas. Ses esclaves aussi l’aimaient beaucoup. Il se loue de la fidélité qu’ils lui ont témoignée dans ses malheurs, et nous savons qu’au dernier moment ils voulaient se faire tuer pour lui, s’il ne les en avait empêchés.

Parmi eux, il en est un que nous connaissons mieux que les autres et qui a eu plus de part à son affection c’est Tiron. Le nom qu’il porte est latin, ce qui fait soupçonner qu’il était un de ces esclaves nés dans la maison du maître (vernæ), qu’on regardait encore plus que les autres comme de la famille, parce qu’ils ne l’avaient jamais quittée. Cicéron s’attacha de bonne heure à lui et le fit instruire avec soin. Peut-être prit-il la peine d’achever lui-même son éducation. Il s’appelle quelque part son professeur, et il aime à le chicaner sur sa façon d’écrire. Il avait pour lui une très vive affection, et finit par ne plus pouvoir s’en passer. Son rôle était grand dans la maison de Cicéron, et ses attributions très variées. Il y représentait l’ordre et l’économie, qui n’étaient pas des qualités ordinaires à son maître. C’était l’homme de confiance par les mains duquel passaient toutes les affaires de finance. Il se chargeait le 1er du mois de gronder les débiteurs en retard ou de faire prendre patience aux créanciers trop pressés ; il révisait les comptes de l’intendant Éros, qui n’étaient pas toujours en règle ; il allait voir les banquiers obligeants dont le crédit soutenait Cicéron dans les moments difficiles. Toutes les fois qu’il y avait quelque commission délicate à faire, on s’adressait à lui, comme par exemple quand il s’agissait de réclamer quelque argent de Dolabella sans trop le désobliger. Le soin qu’il donnait aux affaires les plus importantes ne l’empêchait pas d’être employé aussi aux plus petites. On l’envoie surveiller des jardins, exciter les ouvriers, visiter les bâtisses : la salle à manger même est dans ses attributions, et je