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IV

Cette étude sur la vie intérieure de Cicéron n’est pas complète encore, et il reste quelques détails à y ajouter. On sait que la famille romaine ne se composait pas seulement des personnes libres unies par la parenté, mais qu’elle comprenait aussi les esclaves. Le serviteur et le maître avaient alors entre eux des rapports plus étroits qu’aujourd’hui, et leur vie se mêlait davantage. Aussi, pour achever de connaître Cicéron dans sa famille, convient-il de dire quelques mots de ses relations avec ses esclaves.

En théorie, il n’avait pas sur l’esclavage des opinions différentes de celles de son temps. Comme Aristote, il en acceptait l’institution et la trouvait légitime. Tout en proclamant qu’on a des devoirs à remplir envers ses esclaves, il n’hésitait pas à admettre qu’il faut les contenir par la cruauté, lorsqu’on n’a pas d’autre moyen d’en être les maîtres[1] ; mais dans la pratique il les traitait avec beaucoup de douceur. Il s’attachait à eux jusqu’à les pleurer, quand il avait le malheur de les perdre. Ce n’était probablement pas l’usage, car nous voyons qu’il en demandait presque pardon à son ami Atticus. « J’ai l’âme toute troublée, lui écrivait-il ; j’ai perdu un jeune homme nommé Sosithée, qui me servait de lecteur, et j’en suis plus affligé qu’on ne devrait l’être, ce semble, de la mort d’un esclave[2]. » Je n’en vois qu’un, dans toute sa correspondance, contre lequel il ait l’air d’être très irrité : c’est un certain Dionysius, qu’il fait chercher jusqu’au fond de l’Illyrie et qu’il veut ravoir à tout prix[3] ; mais Dionysius lui avait volé des livres, et c’était

  1. De offic., II, 7.
  2. Ad Att., I, 12.
  3. Ad fam., XIII, 77.