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« Surtout ayez grand soin de vous bien porter pour que nous puissions ensemble causer science et philosophie[1]. » La lettre est fort agréable, mais en la lisant il vient à l’esprit quelques défiances. Ces protestations sont tellement exagérées qu’on soupçonne que Marcus avait quelque intérêt secret à les faire, surtout quand on se souvient que Tiron possédait la confiance de son maître, et qu’il disposait de toutes ses libéralités. Qui sait si ces regrets et ces promesses bruyantes n’ont pas précédé et excusé quelque appel de fonds ?

Il faut dire à la décharge de Marcus qu’après avoir attristé son père par ses désordres, il a au moins consolé ses derniers moments. Quand Brutus traversa Athènes, appelant aux armes les jeunes Romains qui s’y trouvaient, Marcus sentit se ranimer en lui ses instincts de soldat. Il se souvint qu’à dix-sept ans il avait commandé avec succès un corps de cavalerie à Pharsale, et il répondit un des premiers à l’appel de Brutus. Il fut un de ses lieutenants les plus habiles, les plus dévoués, les plus courageux, et mérita souvent ses éloges. « Je suis si content, écrivait Brutus à Cicéron, de la valeur, de l’activité et de l’énergie de Marcus, qu’il me semble se rappeler toujours de quel père il a l’honneur d’être fils[2]. » On comprend combien Cicéron devait être heureux de ce témoignage. C’est dans la joie que lui causait ce réveil de son fils qu’il écrivit et lui dédia son traité des Devoirs, qui est peut-être son plus bel ouvrage, et qui fut son dernier adieu à sa famille et à sa patrie.

  1. Ad fam., XVI, 21.
  2. Brut. ad Cic., II, 3.