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surpris de la façon rapide dont on avait mené l’affaire, trouvait que son gendre avait beaucoup d’esprit et de politesse. « Pour le reste, ajoutait-il, il faut s’y résigner[1]. » Il voulait parler des habitudes légères et dissipées auxquelles Dolabella, malgré son mariage, ne renonçait pas. Il avait promis de se ranger, mais il tenait peu sa, promesse, et quelque bonne volonté qu’eut Cicéron de fermer les yeux sur ses désordres, il finit par lui rendre la résignation bien difficile. Il continuait à vivre comme la jeunesse d’alors, faisant du bruit, la nuit, dans les rues, sous les fenêtres des femmes à la mode, et ses débauches semblaient scandaleuses dans une ville habituée au scandale. Il s’attacha à une femme du monde, célèbre par ses aventures galantes, Cæcilia Métella, l’épouse du consulaire Lentulus Sphinther. C’est la même qui ruina plus tard le fils du grand acteur tragique Æsopus, ce fou qui, ne sachant qu’inventer pour arriver plus vite à sa perte, eut la singulière vanité, dans un dîner qu’il donnait à sa maîtresse, de faire dissoudre une perle d’un million de sesterces (200,000 francs) et de l’avaler[2]. Avec une personne comme Métella, Dolabella eut bientôt achevé de dévorer sa fortune. Il dissipa ensuite celle de sa femme, et non content de la trahir et de la ruiner, il la menaçait de la renvoyer quand elle osait se plaindre. Il semble que Tullia l’aimait beaucoup et qu’elle résista longtemps à ceux qui lui conseillaient le divorce : Cicéron accuse quelque part ce qu’il appelle la folie de sa fille[3] ; mais il lui fallut enfin se décider après de nouveaux outrages, et quitter la maison de son mari pour retourner chez son père. Elle était enceinte. Une couche qui survint dans ces circonstances pénibles l’emporta à Tusculum à l’âge de trente et un ans.

Cicéron fut inconsolable de sa mort, et le chagrin de

  1. Ad Att., VII, 3.
  2. Horace, Satires, II, 3, 239.
  3. Ad Att., XI, 25.