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du monde, se soit laissé entraîner à cette imprudence ? Terentia, qui avait à se venger ; répétait partout qu’il s’était épris pour cette jeune fille d’un amour extravagant ; mais Tiron, son secrétaire, prétend qu’il ne l’avait épousée que pour payer ses dettes avec sa fortune, et je pense qu’il faut croire Tiron, quoique ce ne soit pas l’habitude que, dans ces sortes de mariages, le plus âgé soit aussi le plus pauvre. Comme on pouvait le prévoir, le trouble ne tarda pas à se mettre dans le ménage. Publilia, qui se trouvait plus jeune que sa belle-fille, ne s’entendit pas avec elle, et il paraît qu’elle ne sut pas cacher sa joie quand elle mourut. C’était un crime impardonnable pour Cicéron ; il ne voulut plus la revoir. Ce qui est étrange, c’est que cette jeune femme, loin d’accepter avec plaisir la liberté qu’on voulait lui rendre, fit de grands efforts pour rentrer dans la maison de ce vieillard qui la répudiait[1] ; mais il fut inflexible. Cette fois il avait assez du mariage, et l’on raconte que, comme son ami Hirtius venait lui offrir la main de sa sœur, il la ; refusa, sous prétexte qu’il est malaisé de s’occuper à la fois d’une femme et de la philosophie. La réponse était sage, mais il aurait bien dû s’en aviser un peu plus tôt.

III

Cicéron eut deux enfants de Terentia. Sa fille Tullia était l’aînée. Il l’avait élevée à sa façon, l’initiant à ses études et lui communiquant le goût des choses de l’esprit qu’il aimait tant lui-même, et dont il semble que sa femme ne se souciait pas. « Je retrouve en elle, disait-il, mes traits, ma parole, mon âme[2] » ; aussi l’aimait-il

  1. Ad Att., XII, 32.
  2. Ad Quint., I, 3.