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II

Il ne mérite pas moins d’éloges pour avoir été honnête et rangé dans sa vie de famille. C’étaient encore là des vertus dont ses contemporains ne lui donnaient pas l’exemple.

Il est probable que sa jeunesse fut sévère[1]. Il voulait résolument devenir un grand orateur, et on n’y arrivait pas sans peine. Nous savons par lui combien était dur alors l’apprentissage de l’éloquence. « Pour y réussir, nous dit-il, il faut renoncer à tous les plaisirs, fuir tous les amusements, dire adieu aux distractions, aux jeux, aux festins, et presque au commerce de ses amis[2]. » C’est de ce prix qu’il paya ses succès. L’ambition dont il était dévoré le préserva des autres passions, et lui suffit. L’étude occupa et remplit sa jeunesse. Une fois ces premières années passées, le péril était moindre ; l’habitude du travail qu’il avait prise et les grandes affaires dont il fut chargé pouvaient suffire à le préserver de tout entraînement dangereux. Les écrivains qui ne l’aiment pas ont vainement essayé de trouver dans sa vie la trace de quelqu’un de ces désordres qui étaient si communs autour de lui. Les plus mal intentionnés, comme Dion[3], le plaisantent au sujet d’une femme d’esprit, nommée Cærellia, qu’il appelle quelque part son intime amie[4]. Elle l’était en effet, et il parait bien qu’elle ne manquait pas d’influence sur lui. On avait conservé et publié sa correspondance avec elle. Cette correspondance était, à ce qu’on dit, d’un ton assez libre, et semblait d’abord donner raison aux malins ; mais il faut remarquer que

  1. Ad fam., IX, 26 : Me nihil istorum ne juvenem quidem movit unquam.
  2. Pro Cœlio, 19.
  3. Dion Cassius, XLVI, 18.
  4. Ad fam., XIII, 72.