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bleaux pour orner ses galeries et leur donner l’air des gymnases de la Grèce. Il se ruinait dans ses maisons de campagne pour les embellir. Généreux à contretemps, on le voit prêter aux autres au moment où il est contraint d’emprunter pour lui-même. C’est toujours lorsqu’il est le plus endetté qu’il a le plus envie d’acheter quelque villa nouvelle. Il n’hésite pas alors à s’adresser à tous les banquiers de Rome ; il va trouver Considius, Axius, Vectenus, Vestorius ; il essayerait même d’attendrir Cæcilius, l’oncle de son ami Atticus, s’il ne le savait intraitable. Du reste, il supporte gaiement sa détresse. Le sage Atticus a beau lui dire qu’il est honteux d’avoir des dettes ; comme il partage cette honte avec bien des gens, elle lui semble légère, et il est le premier à en plaisanter. Il raconte un jour à un de ses amis qu’il est tellement endetté qu’il entrerait volontiers dans quelque conjuration, si l’on voulait l’y recevoir, mais que depuis qu’il a puni celle de Catilina, il n’inspire plus de confiance aux autres[1] ; et quand arrive le 1er du mois, jour des échéances, il se contente de s’enfermer à Tusculum et laisse Éros ou Tiron disputer avec les créanciers.

Ces embarras et ces misères, dont sa correspondance est pleine, nous font songer presque malgré nous à certains passages de ses œuvres philosophiques qui paraissent assez surprenants, lorsqu’on les compare à la façon dont il vivait, et qu’on pourrait facilement tourner contre lui. Est-ce bien cet insouciant et ce prodigue, toujours prêt à dépenser sans compter, qui s’écriait un jour avec un accent de conviction dont nous sommes émus : « Dieux immortels, quand donc les hommes comprendront-ils quels trésors on trouve dans l’économie[2] ! » Comment cet ardent amateur d’objets d’art,

  1. Ad fam., V, 6.
  2. Parad., 6.