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d’affilée dans la salle enfumée d’une taverne, à boire, à piper, à brailler comme des zouaves, tout fiers de braver la névralgie du lendemain.

Ici, je ne connais personne. Impossible de séjourner dans ma chambre de passage, à l’hôtel. Ses pavés engendrent et nourrissent le spleen, et par les croisées aux vitres ébréchées montent les innombrables relents qu’exhalent certaines mares de Haiphong. Les murs blanchis à la chaux encadrent un lit à moustiquaire, deux chaises, une table en bois blanc. Sortir ? Le soleil de mai est déjà lourd, et les mares que bordent les mes en remblai projettent dans les yeux et la cervelle du promeneur de durs reflets ardents, avant-coureurs de l’insolation. D’ailleurs on ne peut se plaire à circuler six heures durant autour des mêmes îlots de maisons ; et des marais entourent la ville… Arrive l’heure du dîner. J’ai fait, par l’intermédiaire d’un ancien camarade de Paris — camaraderie très vague que le commun exil a légèrement affirmée —, la connaissance d’un très intelligent garçon, ancien sous-off, aujourd’hui fonctionnaire, qui parle couramment l’allemand, l’anglais, le cantonnais, l’annamite, sans compter le piggin des ports cosmopolites de Chine.

L’air martial, la moustache en brosse, une exotique décoration à la boutonnière, X… porte