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leur bord circulaire, et nous voguons au centre de la double concavité ; le ciel bleu est parsemé de nuages se fondant, à la limite de la vue, avec les Collines jaunes et desséchées qui bornent l’horizon. De notre observatoire mobile nous voyons clairement au nord une grande ville, c’est Châlons, au midi une ville moins importante, Arcis-sur-Aube, et, dans la même direction, à l’extrême sud, luisent les vitres d’une autre grande cité, Troyes. À quel point précis franchissons-nous la route qui relie le chef-lieu de l’Aube à celui de la Marne ? Nous remarquons que nous passons au-dessus de deux groupes de maisons contigus, et le long de cette route, la carte nous indique que le Grand et le Petit-Mailly sont les seules localités qui présentent cette disposition ; nous sommes donc dans la verticale de ce double village, et nous volons au-dessus d’un coin du département de l’Aube.

Nous en sortons bientôt pour rentrer dans la Marne ; la nature du sol change, il devient plus vert et plus humide ; la chaleur réfléchie par la surface terrestre diminue, le ballon se refroidit, se contracte et descend. Bientôt nous entendons confusément les bruits de la terre : voix humaines, aboiements des chiens, chant des coqs, gloussement des poules, roulement des charrettes. Un élégant château apparaît au-dessous de nous et grossit rapidement ; pour la première fois nous distinguons le sens des mots : « Oh ! le ballon ! Ah ! Godard ! » En France, les Godard et les aérostats sont indissolublement incorporés, et la vue d’un globe aérien réveille immédiatement le souvenir de notre aéronaute. — Une voix claire et forte monte du château : « D’où venez-vous ? » Après une tentative infructueuse de ses compagnons, Boissay lance dans l’espace un formidable : « Paris !!! » suivi d’un tonnant : « Où sommes-nous ? » Cette fois on a entendu, et le châtelain réplique : « Domprot ! » Nous regardons avidement notre carte et nous nous assurons que nous sommes rentrés dans le département de la Marne.

Nous passons au sud et à côté de Vitry-le-François, et nous traversons la Marne et le canal de la haute Marne, près de terre, à 500 au-dessus de la mer et 400 au-dessus du sol. Le spectacle dont on jouit à une si faible hauteur et au-dessus d’une si riche contrée est tellement séduisant que nous oublions un instant les allures de notre Pégase, et Godard jette simplement un peu de lest pour gravir à nouveau les régions relativement élevées d’où nous venions de descendre.

Tout à coup, le ciel restant pur et l’air transparent, l’aérostal se met à tourner ; le mouvement, d’abord lent, s’accélère ; la nacelle tournoie, entraînée dans un mouvement conique, quand un coup de vent fouette le Davy et fait claquer l’appendice avec un bruit sec ;