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apparaît comme le plus admirable plan-relief. Les cités ressemblent d’une façon frappante aux modèles de villes fortes de la collection des Invalides.

On a beau être prévenu, on reste frappé de l’étonnante petitesse des objets : Godard nous fait remarquer le clocher d’une église neuve, il ressemble absolument à un cornet de dragées… ou d’autre chose, mais l’église nous fait penser au baptême.

Les routes, les cours d’eau et les railways couvrent le sol d’un triple réseau ; celui des cours d’eau est dessiné en verdâtre, celui des routes en blanc, celui des railways en gris. À six heures et demie un grondement, sourd et lointain d’abord, puis plus fort par degrés se fait entendre. Nous ne voyons rien encore mais Godard nous annonce un train ; il apparaît enfin comme un point, il grossit lentement, il arrive sous le ballon, c’est un express (car il ne contient que des voitures de première classe) ; et pourtant, de si haut, ce train qui vole nous semble à peine ramper ; c’est bien le mot, son mouvement onduleux ressemble à une reptation, et paraît si lent que l’un de nous s’écrie : « Mais c’est une chenille ! » « — Il est mieux d’être papillon ! » réplique notre compagne aérienne en nous indiquant l’aérostat qui file en silence, tandis que le convoi mugit comme un tonnerre terrestre.

Le soleil caché jusque-là par un rideau de légers nuages nous darde désormais des rayons de plus en plus vifs ; le Davy dilaté par la chaleur s’élève à 1450 mètres. Nous avons franchi la Marne et passé au sud et presque perpendiculairement au-dessus de Lagny et de Crécy-en-Brie, puis un peu au nord de Coulommiers et de La Ferté-Gaucher. Si nous avions eu un doute sur notre position il eût été levé par l’examen de la station de Coulommiers, le seul terminus de la région.

De temps en temps, saisi par un invisible et minuscule tourbillon, le ballon tourne, presque toujours de gauche à droite, comme les aiguilles d’une montre. Alors, l’horizon tournoie en sens inverse, et il nous faut quelques instants pour nous orienter à nouveau, à l’aide du soleil et de la boussole, et retrouver le sens de notre marche. Vers huit heures, nous entrons dans le département de la Marne, et bientôt l’aspect du pays change : de vert il devient jaunâtre, et d’une horrible aridité ; nous traversons dans toute sa largeur la Champagne pouilleuse ; les routes, couvertes de poussière de craie, s’alignent au loin et nous éblouissent par leur blanc éclatant ; les rares ruisseaux sont bordés d’une étroite lisière verte épousant tous les circuits de leur cours. La maigre moisson est faite et le terrain crétacé apparaît à travers les chaumes coupés au ras de terre. Les différentes façons données au sol permettent cependant de distinguer les propriétés parti-