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LE SORCIER

chent au visage de la civilisation infâme, boivent le ciel, mangent la terre, s’enivrent au banquet invisible des esprits, se réfugient dans les îles de la mort.

Ces parias ont leur fierté, ils s’inféodent à l’âme de Tolstoï, haïssant le confort, les chemins de fer, le vain travail cérébral. (J’entends ce métier d’amuseur où se galvaudent les intelligences modernes, amuseuses d’elles mêmes d’abord, ce qui est la dernière abjection, le vice d’Onan dépravant le cerveau des dilettanti.) Une sorcière, racontent les chroniques, vit son bourreau panteler pour elle d’un amour obscène, peut-être sauveur. Il est beau, solide, propice à de fortes ivresses, et elle n’en a pas peur, elle est habituée à de telles bourrasques ! mais elle n’en veut pas, il est le chien de garde des riches, enflé des résidus de leurs mets : « Jamais je n’embrasserai ton visage, répond-elle, mes lèvres se sont posées au derrière étique de Satan, ta joue grasse les profanerait. » Et en mourant elle garde sa virginité farouche, la Vestale. Peut-on l’en blâmer ? Le derrière d’un pauvre ne vaut-il pas cent fois la face luisante et inutile d’un riche ?

Ah, bon sorcier, tu sens mauvais et tu es mal mis.

Le sorcier bien mis ; folie ! le diable apparaîtrait-il à quelqu’un qui ne porte pas la livrée de son sacerdoce, c’est-à-dire la loque sacrée de la pauvreté ? Il laisse à Lucifer les rites pompeux, la sublime et ténébreuse initiation, les évocations en formes belles ; il laisse aux mages de notre époque les hallucinations qui déçoivent, la jactance charlatanesque dédaignée par l’humble et robuste traîne-guenilles. Naturellement les mauvais mages détestent le sorcier, l’insultent, le traitent d’ignorant, de fou, de sacrilège, eux les vrais monomanes, fils du Satan de la médiocrité et de la

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