Page:Bois - Le Satanisme et la magie.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LE SATANISME ET LA MAGIE


V
LE DIABLE APPARAIT


Je distingue les tâtonnements, les bégaiements du spiritisme en l’évocation de ce Satan : saint Jade et Judas. Il n’est plus l’apparition vaine qui succède aux exorcismes des mages, le mirage, l’artifice hallucinatoire ; c’est une âme mortelle et malheureuse, une pauvre âme symbole de toutes les injustices et assomptée dans une gloire mystique, patronne de la honte, de l’abjection imméritées, peut-être Ange de la Damnation. Image précise et trouble ; la gnostique religion de Judas lui apporte un halo d’effroi. Quand je songe à ce poignant amalgame, je revois l’Iscariote du sculpteur Niederhausern qui avec l’intuition des frénétiques réalisa dans un buste le messianisme du traître, la gloire profonde et misérable, la douceur têtue, fatale, le monstrueux attrait, la sainteté féroce et tendre du plus grand des maudits.

Une autre croyance naïve se greffe à cette pitié pour le légendaire fourbe : l’espoir d’un ciel moins haut, d’un paradis plus vulgaire, moins farouche. La plupart des saints, ils subissent que de pétitions et d’offrandes ! les cierges encombrent leurs autels, ils sont excédés d’ex-voto, ils portent de lourds ornements d’étoffes et d’or ; l’art songe à eux, les donateurs et les donatrices font travailler les ouvriers, les tisserands, les sculpteurs, les peintres, à la gloire même humaine de ces très heureux ; des mains princières filent pour leur robe un lin de luxe, des chevelures dénouées d’extase mouillent d’un chatouil-