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nous portions fort à l’aise ; on se moqua de nous, et nous fûmes fort humiliées de toute manière. On nous demanda où étaient nos lits et notre équipage ; quelques-uns disaient même que nous mourrions de faim chez nous, et qu’on nous envoyait chercher fortune ailleurs. Je pensais mourir ce jour là, le froid nous ayant si vivement saisies que nous croyions être gelées. Pour mon particulier, j’aurais eu de la joie de mourir de froid, et je m’appliquais à consoler ma compagne qui était demi-morte. Nous souffrîmes beaucoup pendant ce premier hiver. Nous aurions dû mourir de froid sans une protection particulière de Dieu. »

La maison qui devait les recevoir n’était pas encore construite, les bonnes religieuses durent se retirer chez une veuve, à douze ou quinze arpents de l’église, et y passer l’hiver. Elles s’affligèrent beaucoup d’être obligé de vivre au milieu du tumulte du monde, et, l’une d’elle, la sœur Barbier, disait qu’elle « se trouvait là comme dans un enfer. » Ajoutons à cela la distance considérable qu’elles avaient à parcourir pour se rendre à l’église, d’où elles revenaient souvent toutes mouillées et couvertes de glaçons, et nous aurons une idée du courage et des vertus de ces femmes héroïques, qui savaient tout entreprendre et tout souffrir, quand il s’agissait du salut des âmes.

Un jour qu’elles revenaient de la Sainte-Messe, au milieu d’une tempête, la sœur Barbier tomba dans un fossé plein