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multitude de dialectes qui varieraient incessamment avec les différentes races dont se compose l’humanité, et autres thèses du même genre, enfoncent en réalité des portes ouvertes. Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit.

On conçoit sans doute qu’un anthropologiste, un sociologue, puisse se demander s’il n’arrivera pas un jour où une certaine nation ayant réussi à imposer à toutes les autres sa prépondérance militaire ou économique, la langue de cette nation deviendra la langue unique et universelle — du moins officiellement — de l’humanité tout entière.

Le fait s’est déjà produit pour l’empire romain : encore le latin n’a-t-il jamais été parlé que dans une moitié de l’empire, l’empire d’Occident, l’autre moitié, l’empire d’Orient ayant le grec pour langue officielle. Peut-être certains Anglais, certains Allemands rêvent-ils pour leurs langues une aussi prodigieuse destinée.

Mais quoi qu’on puisse penser de la solution de ce problème, on conviendra sans doute qu’elle n’offre qu’un intérêt purement théorique, et en tout cas ce n’est nullement celle que poursuivent les partisans d’une langue internationale auxiliaire. Ils se placent sur le terrain non de la théorie mais de la pratique, non de l’avenir mais du présent.

Quelle langue parleront les hommes dans deux ou trois siècles ? Nous n’en savons rien et, à vrai dire, au point de vue pratique et actuel, la question nous laisse tout à fait indifférents.

Ce que nous savons, en revanche, c’est qu’actuellement les hommes parlent un très grand nombre de langues différentes, de sorte que si nous voulons correspondre avec eux pour quelque fin que ce soit, commerciale, scientifique, littéraire, etc., nous sommes soumis à cette dure nécessité, soit d’apprendre simultanément leurs différentes langues, ce qui est matériellement impossible ; soit de renoncer à avoir commerce avec eux, sinon par des intermédiaires (traducteurs, interprètes, etc.) ; soit enfin d’étudier seulement une ou deux langues, par exemple l’anglais et l’allemand, que nous n’arrivons jamais à savoir que d’une façon très imparfaite, et dont l’étude nous demande un temps énorme et de pénibles efforts, au détriment de l’étude de notre propre langue.

Dès lors n’est-il pas naturel de se demander si la solution pra-