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du besoin de communiquer nos pensées, nous ne nous serions jamais mis en peine de connaître un substantif, un adjectif, une préposition, et généralement tous les mots qui composent les divers idiômes. Cette assertion est si vraie, que souvent l’enfant se contente d’indiquer, par ses pleurs, le mal ou le chagrin qu’il éprouve ; le malade, par ses soupirs, ou par son geste, la douleur qu’il ressent ; l’homme ivre, par ses cris désordonnés, la joie brutale dans laquelle il est bassement plongé. Les mots leur sont inutiles mais les signes qu’ils emploient, sont moins le langage de l’intelligence, que celui des passions[1]. Dès qu’il s’agit au contraire de transmettre aux autres les sensations que notre âme éprouve, les jugements que notre esprit a portés, nous ne pouvons le faire, qu’en distribuant en détail nos pensées, que nous analysons, que nous rendons sensibles à ceux qui nous écoutent, ou qui nous lisent. Nous rendons nos pensées sensibles à ceux qui nous écoutent, en articulant des sons, dont ils connaissent aussi bien que nous, la destination et l’usage. Nous rendons nos pensées sensibles à ceux qui nous lisent, en exposant à leurs yeux, par le moyen des caractères qu’ils connaissent comme nous-mêmes, les divers signes qui représentent les sons à articuler.

Il y a donc deux moyens d’énoncer ses idées et ses jugements ; ils consistent dans le langage et

  1. Cette sorte de Langage, qui appartient aussi aux muets, s’appelle langage mimique ou langage d’imitation, du mot grec μιμέομαι (miméomai) imiter.