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impressions que nous recevons ; il est utile encore de les communiquer aux autres : c’est même un besoin que la Nature a mis en nous.

Cette mère commune nous a donné, il est vrai, les signes des passions, sçavoir : le regard, le geste, les larmes, les ris, les soupirs, les gémissements, les cris, etc. mais tant de signes, quoique multipliés, ne peuvent encore suffire ; ils ne sçauraient analyser notre pensée. Il a donc fallu avoir recours à l’usage de la parole. C’est ce don merveilleux qui nous fournit les moyens de revêtir notre pensée, de la rendre sensible et de la communiquer à nos semblables. Nos relations continues avec les autres hommes, et le besoin des communications respectives nous font connaître insensiblement la valeur et la propriété des mots, qui ne sont autre chose que des sons que trace la plume, ou qu’articule la voix. Les mots ne sont pas les mêmes dans tous les pays, chez toutes les nations du monde ; chaque peuple a son idiôme particulier. Nous différons de langage, ainsi que de costume de mœurs et d’inclinations.

Si nous voulons, en nous rappelant les beaux jours de notre enfance, remonter aux premières époques de notre vie, nous nous convaincrons aisément qu’il n’est pas nécessaire de connaître les mots et leur valeur, pour sentir, comparer, vouloir, imaginer, et porter des jugements. En effet, avant d’avoir appris les mots, nous connaissions les choses par l’impression qu’elles fesaient sur nos sens ; et, si nous n’avions pas été tourmentés