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Comme on voit les frelons, troupe lâche et stérile,
Aller piller le miel que l’abeille distille ?
Cessons donc d’aspirer à ce prix tant vanté
Que donne la faveur à l’importunité.
Saint-Amant[1] n’eut du ciel que sa veine en partage,
L’habit qu’il eut sur lui fut son seul héritage,
Un lit et deux placets composoient tout son bien
Ou, pour en mieux parler, Saint-Amant n’avoit rien.
Mais quoi ! las de traîner une vie importune,
Il engagea ce rien pour chercher la fortune,
Et, tout chargé de vers qu’il devoit mettre au jour,
Conduit d’un vain espoir, il parut à la cour[2].
Qu’arriva-t-il enfin de sa muse abusée ?
Il en revint couvert de honte et de risée ;
Et la fièvre, au retour, terminant son destin.
Fit par avance en lui ce qu’auroit fait la faim
Un poëte à la cour fut jadis à la mode ;
Mais des fous aujourd’hui c’est le plus incommode.
Et l’esprit le plus beau, l’auteur le plus poli,
N’y parviendra jamais au sort de l’Angéli[3].
N’« Faut-il donc désormais jouer un nouveau rôle ?
Dois-je, las d’Apollon, recourir à Barthole[4] ?
Et, feuilletant Louet allongé par Brodeau[5],

    lettres et des savants entre lesquels Louis XIV devait répartir ses libéralités. Il ne s’était pas oublié, et il avait pensé à Cotin.

  1. On a plusieurs ouvrages de lui où il a beaucoup de génie ; il ne savoit pas le latin et étoit fort pauvre. (B.)
  2. Le poëme qu’il y porta étoit intitulé le poëme de la Lune, et il y louoit surtout le roi de savoir bien nager. (B.) — Saint-Amant, né à Rouen en 1598, mort en 1660, est l’auteur du poëme de Moyse sauvé.
  3. Célèbre fou que feu M. le prince de Condé avoit ramené avec lui des Pays-Bas, et qu’il donna au roi Louis XIV (B.) — L’Angéli amassa 25 000 écus.
  4. Jurisconsulte italien du quatorzième siècle.
  5. Brodeau a commenté Louet. (B.) — Louet avait publié un recueil d’arrêts avec des notes.