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Peut fournir aisément un calepin complet ;
Qu’il règne dans ces lieux, il a droit de s’y plaire.
Mais moi, vivre à Paris ! Eh ! qu’y voudrois-je faire ?
Je ne sais ni tromper, ni feindre, ni mentir,
Et, quand je le pourrois, je n’y puis consentir.
Je ne sais point en lâche essuyer les outrages
D’un faquin orgueilleux qui vous tient à ses gages,
De mes sonnets flatteurs lasser tout l’univers,
Et vendre au plus offrant mon encens et mes vers ;
Pour un si bas emploi ma muse est trop altière.
Je suis rustique et fier, et j’ai l’âme grossière :
Je ne puis rien nommer, si ce n’est par son nom ;
J’appelle un chat un chat, et Rolet[1] un fripon.
De servir un amant, je n’en ai pas l’adresse ;
J’ignore ce grand art qui gagne une maîtresse.
Et je suis, à Paris, triste, pauvre et reclus.
Ainsi qu’un corps sans âme, ou devenu perclus.
Ai« Mais pourquoi, dira-t-on, cette vertu sauvage
Qui court à l’hôpital, et n’est plus en usage ?
La richesse permet une juste fierté ;
Mais il faut être souple avec la pauvreté :
C’est par là qu’un auteur que presse l’indigence
Peut des astres malins corriger l’influence,
Et que le sort burlesque, en ce siècle de fer,
D’un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair[2].
Ainsi de la vertu la fortune se joue :

  1. Boileau, pour dépayser le lecteur, avait mis en note, dans l’édition de 1667 : « C’est un hôtelier du pays blaisois. » Dans l’édition de 1713, on lit la note suivante : « Procureur très-décrié, qui a été dans la suite condamné à faire amende honorable et banni à perpétuité. »
  2. L’abbé de La Rivière, en ce temps-là, fut fait évêque de Langres ; il avoit été régent dans un collège. (B.) — Cet abbé de La Rivière se nommait Louis Barbier. C’est lui qui fut si connu comme confident de Gaston, duc d’Orléans. L’évêque de Langres était duc et pair.