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Ravager mes États usurpés à tes yeux ?
Dans les temps orageux de mon naissant empire,
Au sortir du baptême on couroit au martyre.
Chacun, plein de mon nom, ne respiroit que moi :
Le fidèle, attentif aux règles de sa loi,
Fuyant des vanités la dangereuse amorce,
Aux honneurs appelé, n’y montoit que par force,
Ces cœurs, que les bourreaux ne faisoient point frémir
À l’offre d’une mitre étoient prêts à gémir ;
Et, sans peur des travaux, sur mes traces divines
Couroient chercher le ciel au travers des épines.
Mais, depuis que l’Église eut, aux yeux des mortels,
De son sang en tous lieux cimenté ses autels,
Le calme dangereux succédant aux orages,
Une lâche tiédeur s’empara des courages,
De leur zèle brûlant l’ardeur se ralentit ;
Sous le joug des péchés leur foi s’appesantit.
Le moine secoua le cilice et la haire ;
Le chanoine indolent apprit à ne rien faire ;
Le prélat, par la brigue aux honneurs parvenu,
Ne sut plus qu’abuser d’un ample revenu,
Et, pour toutes vertus, fit, au dos d’un carrosse,
À côté d’une mitre armorier sa crosse.
L’Ambition partout chassa l’Humilité ;
Dans la crasse du froc logea la Vanité.
Alors de tous les cœurs l’union fut détruite.
Dans mes cloîtres sacrés la Discorde introduite
Y bâtit de mon bien ses plus sûrs arsenaux ;
Traîna tous mes sujets aux pieds des tribunaux.
En vain à ses fureurs j’opposai mes prières :
L’insolente, à mes yeux, marcha sous mes bannières.
Pour comble de misère, un tas de faux docteurs
Vint flatter les péchés de discours imposteurs ;
Infectant les esprits d’exécrables maximes,