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L’amas toujours entier des écrits de Haynaut[1] :
Quand Boirude, qui voit que le péril approche,
Les arrête ; et, tirant un fusil de sa poche[2],
Des veines d’un caillou[3], qu’il frappe au même instant,
Il fait jaillir un feu qui pétille en sortant ;
Et bientôt, au brasier d’une mèche enflammée
Montre, à l’aide du soufre, une cire allumée.
Cet astre tremblotant, dont le jour les conduit,
Est pour eux un soleil au milieu de la nuit.
Le temple à sa faveur est ouvert par Boirude :
Ils passent de la nef la vaste solitude,
Et dans la sacristie entrant, non sans terreur,
En percent jusqu’au fond la ténébreuse horreur.
EnC’est là que du lutrin git la machine énorme.
La troupe quelque temps en admire la forme.
Mais le barbier, qui tient les momens précieux :
« Ce spectacle n’est pas pour amuser nos yeux,
Dit-il, le temps est cher ; portons-le dans le temple,
C’est là qu’il faut demain qu’un prélat le contemple. »
Et d’un bras, à ces mots, qui peut tout ébranler,
Lui-même, se courbant, s’apprête à le rouler.
Mais à peine il y touche, ô prodige incroyable !
Que du pupitre sort une voix effroyable[4].
Brontin en est ému, le sacristain pâlit ;
Le perruquier commence à regretter son lit.
Dans son hardi projet toutefois il s’obstine,
Lorsque des flancs poudreux de la vaste machine

  1. Pour Hesnault.
  2. On nomme fusil un morceau de fer fondu qui fait l’office de briquet et se met facilement en poche. L’arme à feu qui porte aujourd’hui ce nom l’a tiré de la plaque de métal fondu, à l’aide de laquelle on faisait jaillir l’étincelle dans le bassinet.
  3. Virgile, Géorg., livre I, vers 135 ; et Enéide, livre I, vers 178.
  4. Enéide, livre III, vers 39.