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CHANT III.

CoMais la Nuit aussitôt de ses ailes affreuses
Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses,
Revole vers Paris, et, hâtant son retour,
Déjà de Montlhéri voit la fameuse tour[1].
Ses murs, dont le sommet se dérobe à la vue,
Sur la cime d’un roc s’allongent dans la nue,
Et, présentant de loin leur objet ennuyeux,
Du passant qui le fuit semblent suivre les jeux.
Mille oiseaux effrayans, mille corbeaux funèbres
De ces murs désertés habitent les ténèbres.
Là, depuis trente hivers, un hibou retiré
Trouvoit contre le jour un refuge assuré.
Des désastres fameux ce messager fidèle
Sait toujours des malheurs la première nouvelle ;
Et, tout prêt d’en semer le présage odieux,
Il attendoit la Nuit dans ces sauvages lieux.
Aux cris qu’à son abord vers le ciel il envoie,
Il rend tous ses voisins attristés de sa joie.

  1. Tour très-haute, à cinq lieues de Paris, sur le chemin d’Orléans. Cette tour de Montlhéri dominant la vaste plaine où elle est située, semble en effet suivre les yeux des voyageurs. Boileau passait devant en allant à Bâville, chez M. de Lamoignon.