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sur le ton sérieux, à tout ce qu’ils écriront contre moi.

À quoi bon en effet perdre inutilement du papier ? Si mes épitres sont mauvaises, tout ce que je dirai ne les fera pas trouver bonnes ; et si elles sont bonnes, tout ce qu’ils diront ne les fera pas trouver mauvaises. Le public n’est pas un juge que l’on puisse corriger, ni qui se règle par les passions d’autrui. Tout ce bruit, tous ces écrits qui se font ordinairement contre des ouvrages où l’on court, ne servent qu’à y faire encore plus courir, et à en mieux marquer le mérite. Il est de l’essence d’un bon livre d’avoir des censeurs ; et la plus disgrâce qui puisse arriver à un écrit qu’on met au jour, ce n’est pas que beaucoup de gens en disent du mal, c’est que personne n’en dise rien.

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu’on attaque mes trois épitres. Ce qu’il y a de certain, c’est que je les ai fort travaillées, et principalement celle de l’amour de Dieu, que j’ai retouchée plus d’une fois, et où j’avoue que j’ai employé tout le peu que je puis avoir d’esprit et de lumières. J’avois dessein d’abord de la donner toute seule, les deux autres me paroissant trop frivoles pour être présentées au grand jour de l’impression avec un ouvrage si sérieux ; mais des amis très-sensés m’ont fait comprendre que ces deux épitres, quoique dans le style enjoué, étoient pourtant des épitres morales, où il n’étoit rien enseigné que de vertueux ; qu’ainsi étant liées avec l’autre, bien loin de lui nuire, elles pour-