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Ainsi, toujours flatté d’une douce manie,
Je sens de jour en jour dépérir mon génie ;
Et mes vers, en ce style ennuyeux, sans appas,
Déshonorent ma plume, et ne t’honorent pas.
Encor si ta valeur, a tout vaincre obstinée,
Nous laissoit, pour le moins, respirer une année,
Peut-être mon esprit, prompt à ressusciter,
Du temps qu’il a perdu sauroit se racquitter.
Sur ses nombreux défauts, merveilleux à décrire,
Le siècle m’offre encor plus d’un mot à décrire.
Mais à peine Dinan et Limbourg sont forcés,
Qu’il faut chanter Bouchain et Condé terrassés.
Ton courage, affamé de péril et de gloire,
Court d’exploits en exploits, de victoire en victoire.
Souvent ce qu’un seul jour te voit exécuter
Nous laisse pour un an d’actions à compter.
NoQue si quelquefois, las de forcer des murailles,
Le soin de tes sujets te rappelle à Versailles,
Tu viens m’embarrasser de mille autres vertus :
Te voyant de plus près, je t’admire encor plus.
Dans les nobles douceurs d’un séjour plein de charme,
Tu n’es pas moins héros qu’au milieu des alarmes :
De ton trône agrandi portant seul tout le faix,
Tu cultives les arts, tu répands les bienfaits ;
Tu sais récompenser jusqu’aux muses critiques.
Ah ! crois-moi, c’en est trop. Nous autres satiriques,
Propres à relever les sottises du temps,
Nous sommes un peu nés pour être mécontens :
Notre muse, souvent paresseuse et stérile,
A besoin, pour marcher, de colère et de bile.
Notre style languit dans un remercîment,
Mais, grand roi, nous savons nous plaindre élégamment.
MaOh ! que, si je vivois sous les règnes sinistres
De ces rois nés valets de leurs propres ministres,