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Qu’un libraire, imprimant les essais de ma plume,
Donna, pour mon malheur, un trop heureux volume.
Toujours, depuis ce temps, en proie aux sots discours,
Contre eux la vérité m’est un foible secours.
Vient-il de la province une satire fade,
D’un plaisant du pays insipide boutade ;
Pour la faire courir on dit qu’elle est de moi[1];
Et le sot campagnard le croit de bonne foi.
J’ai beau prendre à témoin et la cour et la ville :
« Non ; à d’autres, dit-il ; on connoit votre style.
Combien de temps ces vers vous ont-ils bien coûté ?
— Ils ne sont point de moi, monsieur, en vérité :
Peut-on m'attribuer ces sottises étranges ?
— Ah ! monsieur, vos mépris vous servent de louanges. »
Ainsi de cent chagrins dans Paris accablé.
Juge si, toujours triste, interrompu, troublé,
Lamoignon, j’ai le temps de courtiser les Muses :
Le monde cependant se rit de mes excuses,
Croit que, pour m’inspirer sur chaque événement,
Apollon doit venir au premier mandement.
Ap« Un bruit court que le roi va tout réduire en poudre,
Et dans Valencienne est entré comme un foudre ;
Que Cambrai[2], des François l’épouvantable écueil,
A vu tomber enfin ses murs et son orgueil ;
Que, devant Saint-Omer, Nassau, par sa défaite,
De Philippe vainqueur[3] rend la gloire complète.

  1. On faisait alors courir sous le nom de Boileau une foule de mauvais écrits qui le blessaient doublement dans son honneur d’homme et de poëte.
  2. Cambrai, assiégé plusieurs fois en vain, venait d’être pris en 1677.
  3. Philippe duc d’Orléans, frère du roi, avait gagné la bataille de Cassel. Malheureusement les applaudissements exagérés qu’il reçut mécontentèrent le roi, qui ne lui confia plus dès lors aucune armée à commander.