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ÉPÎTRE V.

1676.

À M. DE GUILLERAGUES, SECRÉTAIRE DU CABINET.

SE CONNOÎTRE SOI-MÊME.


GuEsprit né pour la cour et maître en l’art de plaire,
Guilleragues, qui sais et parler et te taire[1],
Apprends-moi si je dois ou me taire ou parler,
Faut-il dans la satire encor me signaler,
Et, dans ce champ fécond en plaisantes malices,
Faire encore aux auteurs redouter mes caprices ?
Jadis, non sans tumulte, on m’y vit éclater,
Quand mon esprit plus jeune, et prompt à s’irriter,
Aspiroit moins au nom de discret et de sage ;
Que mes cheveux plus noirs[2] ombrageoient mon visage.
Maintenant, que le temps a mûri mes désirs,
Que mon âge, amoureux de plus sages plaisirs,

  1. « Guilleragues, dit Saint-Simon, quoique maître en l’art de plaire, n’étoit rien qu’un garçon, gourmand, plaisant, de beaucoup d’esprit, qui avoit des amis, et qui vivoit à leurs dépens, parce qu’il avoit tout fricassé. »
  2. Boileau commençait alors à grisonner.