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de ses contemporains, et le traitait avec sévérité dans son Art poétique. Il y avait une liberté d’allure dans Molière, une variété de tons, et quelquefois, un dédain des règles qui ne pouvait plaire au grave et majestueux Boileau, toujours épris de ses formules, et qui se trouvait lui-même si bizarre pour avoir fait une satire sur l’équivoque et une épître à son jardinier. Surtout, il ne pouvait lui passer de monter sur les planches, et jouer lui-même ses propres pièces, et

… Ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe.

Sur la fin, et quand Molière n’en pouvait plus, il le supplia de quitter le théâtre. « Mon honneur, dit Molière, m’empêche de quitter ! » Il voulait dire, qu’en se retirant, il mettrait cent pères de famille à l’aumône. Et peut-être, qui sait ? le valet de chambre tapissier du roi, qui sentait ce qu’il valait, et qui souffrait des dédains que lui attirait sa profession, voulait-il rester comédien jusqu’au dernier jour, de peur de recevoir après sa retraite des honneurs qui auraient été une insulte pour sa vie passée. Boileau n’entendait pas tout cela. « Le bel honneur, disait-il, de se barbouiller la figure tous les soirs, et de se faire donner des coups de bâton entre six chandelles ! »

Il n’en fut pas moins fidèle à Molière jusqu’au bout, et cette fidélité l’honore d’autant plus que Racine, son meilleur ami, était brouillé avec Molière. Cette brouillerie est peut-être une tache, et elle est à coup sûr un malheur dans la vie, d’ailleurs