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servé ; l’imagination ne l’entraînait pas ; il pesait ses paroles. Il a inventé ce fameux vers, pour exprimer l’inaction du roi pendant le passage du Rhin :

Louis, les animant du feu de son courage,
Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage.

Ce vers est d’un courtisan bien habile, qu’on a peine à se représenter parlant du misérable Scarron, devant sa veuve, et surtout devant son successeur. Comme Boileau avait une réputation un peu exagérée de brusquerie, ses biographes lui ont prêté ces fières réponses ; et en les rejetant, il nous reste assez de faits avérés pour attester que, tout courtisan qu’il était, Boileau avait conservé le droit de parler en homme devant Louis XIV. Voici par exemple un fait moins invraisemblable, et plus honorable pour Boileau, qui paraît mieux constaté. Corneille mourant avait été privé de sa pension : Boileau rapporta le brevet de la sienne. Ce trait, en tout temps, serait d’un noble cœur. Il était héroïque sous Louis XIV. On n’accepta pas ce sacrifice, et le vieux poëte de génie reçut un secours.

En somme, soit à la cour, soit dans le monde, soit dans la vie privée, la conduite de Boileau était toujours droite. Il disait partout la vérité sans sourciller, et rendait hautement témoignage à ses opinions et à ses amitiés. Il était ennemi de bonne foi, mais ennemi sans ménagement ; bon ami, mais sans fausse complaisance. Nous citions tout à l’heure une preuve de son admiration pour Molière : il le mettait au-dessus