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Et n’allez pas toujours d’une pointe frivole
Aiguiser par la queue une épigramme folle.
AiTout poëme est brillant de sa propre beauté.
Le rondeau, né gaulois, a la naïveté.
La ballade, asservie à ses vieilles maximes,
Souvent doit tout son lustre au caprice des rimes.
Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour,
Respire la douceur, la tendresse et l’amour.
ReL’ardeur de se montrer, et non pas de médire,
Arma la Vérité du vers de la satire.
Lucile le premier osa la faire voir,
Aux vices des Romains présenta le miroir,
Vengea l’humble vertu, de la richesse altière,
Et l’honnête homme à pied, du faquin en litière.
Horace, à cette aigreur mêla son enjouement :
On ne fut plus ni fat ni sot impunément ;
Et malheur à tout nom qui, propre à la censure,
Put entrer dans un vers sans rompre la mesure !
PuPerse, en ses vers obscurs, mais serrés et pressans,
Affecta d’enfermer moins de mots que de sens.
AfJuvénal, élevé dans les cris de l’école,
Poussa jusqu’à l’excès sa mordante hyperbole.
Ses ouvrages, tout pleins d’affreuses vérités,
Etincellent pourtant de sublimes beautés :
Soit que, sur un écrit arrivé de Caprée,
Il brise de Séjan la statue adorée ;
Soit qu’il fasse au conseil courir les sénateurs,
D’un tyran soupçonneux pâles adulateurs ;
Ou que, poussant à bout la luxure latine[1],
Aux portefaix de Rome il vende Messaline.
Ses écrits pleins de feu partout brillent aux yeux.
SeDe ces maîtres savans disciple ingénieux,

  1. Satire VI, vers 116-132. (B)