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Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois,
Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille.
Et qu’ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout de ce poëme il bannit la licence[1] :
Lui-même en mesura le nombre et la cadence :
Défendit qu’un vers foible y put jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.
Du reste il l’enrichit d’une beauté suprême :
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poëme.
Mais en vain mille auteurs y pensent arriver,
Et cet heureux phénix est encore à trouver.
À peine dans Gombaut, Maynard et Malleville[2],
En peut-on admirer deux ou trois entre mille :
Le reste, aussi peu lu que ceux de Pelletier,
N’a fait de chez Sercy[3] qu’un saut chez l’épicier.
Pour enfermer son sens dans la borne prescrite,
La mesure est toujours trop longue ou trop petite.
LaL’épigramme, plus libre en son tour plus borné,
N’est souvent qu’un bon mot de deux rimes orné[4].
N’Jadis de nos auteurs les pointes ignorées
Furent de l’Italie en nos vers attirées.
Le vulgaire, ébloui de leur faux agrément,

  1. Licence poétique.
  2. Ces trois poëtes n’étaient pas sans mérite ; ils furent tous trois de l’Académie française.
  3. Libraire du Palais.
  4. Allusion à son épigramme sur Corneille.
    J’ai vu Agélisas

    Hélas !
    Mais après Attila

    Holà !