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Et faire quereller les sens et la raison.
Ce n’étoit pas jadis sur ce ton ridicule
Qu’Amour dictoit les vers que soupiroit Tibulle,
Ou que, du tendre Ovide animant les doux sons,
Il donnoit de son art les charmantes leçons.
Il faut que le cœur seul parle dans l’élégie.
IlL’ode, avec plus d’éclat et non moins d’énergie.
Élevant jusqu’au ciel son vol ambitieux,
Entretient dans ses vers commerce avec les dieux.
Aux Athlètes dans Pise[1] elle ouvre la barrière,
Chante un vainqueur poudreux au bout de la carrière,
Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs,
Ou fait fléchir l’Escaut sous le joug de Louis.
Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage,
Elle s’en va de fleurs dépouiller le rivage :
Elle peint les festins, les danses et les ris ;
Vante un baiser cueilli sur les lèvres d’Iris,
Qui mollement résiste, et, par un doux caprice,
Quelquefois le refuse afin qu’on le ravisse.
Son style impétueux souvent marche au hasard :
Chez elle un beau désordre est un effet de l’art.
ChLoin ces rimeurs craintifs dont l’esprit flegmatique
Garde dans ses fureurs un ordre didactique ;
Qui, chantant d’un héros les progrès éclatans,
Maigres historiens, suivront l’ordre des temps.
Ils n’osent un moment perdre un sujet de vue :
Pour prendre Dole, il faut que Lille soit rendue ;
Et que leur vers exact, ainsi que Mézerai[2],
Ait fait déjà tomber les remparts de Courtrai.
Apollon de son feu leur fut toujours avare.
ApOn dit, à ce propos, qu’un jour ce dieu bizarre,

  1. Pise en Élide, où l’on célébrait les jeux Olympiques.
  2. Mézerai, historien exact et sincère.