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BOILEAU.

Soudain, au grand honneur de l’école païenne,
On entendit prêcher dans l’Église chrétienne
Que sous le joug du vice un pécheur abattu
Pouvoit, sans aimer Dieu ni même la vertu,
Par la seule frayeur au sacrement unie,
Admis au ciel, jouir de la gloire infinie ;
Et que, les clefs en main, sur ce seul passe-port.
Saint Pierre à tous venans devoit ouvrir d’abord.
SaAinsi, pour éviter l’éternelle misère,
Le vrai zèle au chrétien n’étant plus nécessaire,
Tu sus, dirigeant bien en eux l’intention,
De tout crime laver la coupable action.
Bientôt, se parjurer cessa d’être un parjure ;
L’argent à tout denier se prêta sans usure ;
Sans simonie, on put, contre un bien temporel,
Hardiment échanger un bien spirituel ;
Du soin d’aider le pauvre on dispensa l’avare ;
Et même chez les rois le superflu fut rare.
C’est alors qu’on trouva, pour sortir d’embarras,
L’art de mentir tout haut en disant vrai tout bas ;
C’est alors qu’on apprit qu’avec un peu d’adresse
Sans crime un prêtre peut vendre trois fois sa messe ;
Pourvu que, laissant là son salut à l’écart,
Lui-même en la lisant n’y prenne aucune part.
C’est alors que l’on sut qu’on peut pour une pomme,
Sans blesser la justice, assassiner un homme :
Assassiner ! ah ! non, je parle improprement ;
Mais que, prêt à la perdre, on peut innocemment,
Surtout ne la pouvant sauver d’une autre sorte,
Massacrer le voleur qui fuit et qui l’emporte.
Enfin ce fut alors que, sans se corriger,
Tout pécheur…[1]. Mais où vais-je aujourd’hui m’engager ?

  1. Ce passage résume certaines attaques contenues dans les Lettres.