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Vivonne, en 1669. Il était alors âgé de trente-trois ans, et avait déjà publié toutes ses satires. On raconte que dans cette première entrevue, Louis XIV lui demanda de réciter quelques-uns de ses plus beaux vers, et que Boileau récita les derniers vers de l’Épître au roi, qui n’avaient pas paru avec cette épître, et que personne encore ne connaissait :

L’univers sous ton règne a-t-il des malheureux ?
Est-il quelque vertu dans les glaces de l’Ourse,
Ni dans ces lieux brûlés où le jour prend sa source,
Dont la triste indigence ose encore approcher
Et qu’en foule tes dons d’abord n’aillent chercher ?

L’émotion du roi parut sur son visage. « Je vous louerais davantage, dit-il, si vous ne m’aviez pas tant loué. » Boileau sortit de cette première audience avec une pension de deux mille livres. Plus tard, le roi le nomma son historiographe, conjointement avec Racine, Boileau avec une pension de deux mille livres et Racine de quatre. Tout le monde sait que Louis XIV lui demanda un jour quel était le plus grand écrivain de son règne. « Sire, c’est Molière. — Je ne l’aurais pas cru ; mais vous vous y connaissez mieux que moi. » La réponse du roi est bonne ; celle de Boileau est encore meilleure ; et elle prouve qu’il n’était aveuglé ni par la jalousie, ni par l’amitié. Il avait quarante-sept ans lorsqu’il fut de l’Académie. Le roi lui demanda un jour s’il en était. « Sire, je n’en suis pas ; je n’en suis pas digne. — Vous en serez, répondit Louis XIV. Je le veux. »