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BOILEAU.

Je ne suis point ici de ces nouveaux venus,
De ces nobles sans nom, que, par plus d’une voie,
La province souvent en guêtres nous envoie.
Mais eussé-je comme eux des meuniers pour parens,
Mon épouse vînt-elle encor d’aïeux plus grands,
On ne la verroit point, vantant son origine,
À son triste mari reprocher la farine.
Son cœur, toujours nourri dans la dévotion,
De trop bonne heure apprit L’humiliation :
Et, pour vous détromper de la pensée étrange
Que l’hymen aujourd’hui la corrompe et la change,
Sachez qu’en notre accord elle a, pour premier point,
Exigé qu’un époux ne la contraindroit point
A traîner après elle un pompeux équipage,
Ni surtout de souffrir, par un profane usage,
Qu’à l’église jamais devant le Dieu jaloux,
Un fastueux carreau soit vu sous ses genoux.
Telle est l’humble vertu qui, dans son âme empreinte…
TeJe le vois bien, tu vas épouser une sainte,
Et dans tout ce grand zèle il n’est rien d’affecté.
Sais-tu bien cependant, sous cette humilité,
L’orgueil que quelquefois nous cache une bigote,
Alcippe, et connois-tu la nation dévote ?
Il te faut de ce pas en tracer quelques traits,
Et par ce grand portrait finir tous mes portraits.
À Paris, à la cour, on trouve, je l’avoue,
Des femmes dont le zèle est digne qu’on le loue,
Qui s’occupent du bien, en tout temps, en tout lieu.
J’en sais une[1] chérie et du monde et de Dieu,
Humble dans les grandeurs, sage dans la fortune,
Qui gémit, comme Esther, de sa gloire importune,
Que le vice lui-même est contraint d’estimer,

  1. Mme de Maintenon.