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SATIRE X.

Mettre ainsi cette belle aux bords du monument ?
La Parque, ravissant ou son fils ou sa fille,
A-t-elle moissonné l’espoir de sa famille ?
Non : il est question de réduire un mari
À chasser un valet dans la maison chéri,
Et qui, parce qu’il plaît, a trop su lui déplaire ;
Ou de rompre un voyage utile et nécessaire,
Mais qui la priveroit huit jours de ses plaisirs,
Et qui, loin d’un galant, objet de ses désirs…
Oh ! que pour la punir de cette comédie
Ne lui vois-je une vraie et triste maladie !
Mais ne nous fâchons point. Peut-être avant deux jours,
Courtois et Denyau[1], mandés à son secours,
Digne ouvrage de l’art dont Hippocrate traite,
Lui sauront bien ôter cette santé d’athlète ;
Pour consumer l’humeur qui fait son embonpoint,
Lui donner sagement le mal qu’elle n’a point ;
Et, fuyant de Fagon[2] les maximes énormes,
Au tombeau mérité la mettre dans les formes.
Dieu veuille avoir son âme, et nous délivrer d’eux !
Pour moi, grand ennemi de leur art hasardeux,
Je ne puis cette fois que je ne les excuse.
Mais à quels vains discours est-ce que je m’amuse ?
Il faut sur des sujets plus grands, plus curieux,
Attacher de ce pas ton esprit et tes yeux.
AtQui s’offrira d’abord ? Bon, c’est cette savante
Qu’estime Roberval, et que Sauveur fréquente[3].
D’où vient qu’elle a l’œil trouble et le teint si terni ?
C’est que sur le calcul, dit-on, de Cassini[4],

  1. Deux médecins de la Faculté de Paris.
  2. Premier médecin du roi. — Fagon, né en 1638, mort en 1718, ami et médecin de Boileau.
  3. Illustre mathématicien.
  4. Fameux astronome.