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vile prose, au bas d’un journal, le blâme et la louange aux dramaturges, aux poëtes, aux romanciers, aux historiens, devenir, s’ils ont un peu de goût, et si leur journal a quelque importance, les oracles du succès, des maîtres écoutés, applaudis au moindre mot, courtisés par les plus illustres ? Il n’y avait pas de journal quotidien du temps de Boileau ; encore moins de feuilletons hebdomadaires. Il fallait lire soi-même, ou s’en rapporter à des nouvellistes mal famés. Deux hommes seuls remplissaient le métier de critique : Molière par ses comédies, Boileau par ses satires ; et celui-ci était même le critique en titre d’office. C’était son métier de faire la guerre aux mauvais vers et aux méchants poëtes, et de consacrer les réputations légitimes. On voyait, on sentait qu’il avait le goût juste, à ce degré qui est du génie, et qui donne aux jugements de certains esprits une sorte d’infaillibilité. Ses ennemis niaient timidement son autorité et la reconnaissaient en secret ; lui-même n’en doutait pas. Il parlait volontiers sur un ton d’oracle, parce qu’il avait la conscience de décider en dernier ressort. Sans lui, on ne faisait que du bruit ; avec lui, on arrivait à la gloire. Ses satires, qui paraissaient de loin en loin, car il travaillait lentement : « Et qu’importe, disait-il ? le public ne s’informera pas du temps que j’ai mis à écrire, » ses satires paraissaient d’abord à petit bruit, en petit comité. Il les lisait lui-même avec beaucoup d’art et d’entrain ; on les copiait ; on les colportait. Perrault et Chapelain apprenaient tout les premiers le nou-