Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’unit à Racine fut tendre, dévouée, sans réserve. Ils ne furent séparés que par la mort, et pendant les longues années que dura leur intimité, jamais l’un d’eux ne livra un vers au public sans l’avoir fait d’abord juger et corriger par son ami.

Boileau et Racine, cela va sans dire, eurent un grand nombre d’ennemis. Cependant Racine était le meilleur des hommes, doux, tendre, généreux, et sinon modeste, ayant tout l’extérieur et tous les agréments de la modestie. Boileau, de son côté, moins affectueux, plus disposé à la domination, incapable de dissimuler ses antipathies, était une nature droite, franche, faite pour inspirer l’estime et la confiance. Mais le génie de l’un et la sévérité de l’autre, leurs succès à tous les deux, la gloire même qui leur vint de leur vivant, et dès leur jeunesse, ameutèrent contre eux ce qui restait de l’école des précieuses, les poëtes longtemps admirés et qu’ils mirent dans l’ombre, les nouveaux venus qu’ils éclipsèrent, et toute cette foule d’esprits dénigrants et médiocres que la gloire d’autrui importune. Boileau n’avait pas comme son ami et comme Molière, de ces succès d’enthousiasme qui passionnent la foule pendant des années ; mais, s’il était moins admiré et moins envié, il était bien plus redoutable. Nous sommes surpris maintenant, quand nous le voyons parler dans ses vers de l’effroi qu’il inspire, de son humeur bizarre et maligne ; quand il se qualifie lui-même de « critique achevé. » Mais, en regardant autour de nous, ne voyons-nous pas des critiques, chargés de distribuer chaque semaine, en