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BOILEAU.

PeUn clerc, pour quinze sous, sans craindre le holà,
Peut aller au parterre attaquer Attila[1];
Et, si le roi des Huns ne lui charme l’oreille,
Traiter de visigoths tous les vers de Corneille.
TrIl n’est valet d’auteur, ni copiste à Paris,
Qui, la balance en main, ne pèse les écrits.
Dès que l’impression fait éclore un poëte,
Il est esclave-né de quiconque l’achète :
Il se soumet lui-même aux caprices d’autrui,
Et ses écrits tout seuls doivent parler pour lui.
Un auteur à genoux, dans une humble préface,
Au lecteur qu’il ennuie a beau demander grâce ;
Il ne gagnera rien sur ce juge irrité,
Qui lui fait son procès de pleine autorité.
QuEt je serai le seul qui ne pourrai rien dire !
On sera ridicule, et je n’oserai rire !
Et qu’ont produit mes vers de si pernicieux,
Pour armer contre moi tant d’auteurs furieux ?
Loin de les décrier, je les ai fait paroître :
Et souvent, sans ces vers qui les ont fait connoîre,
Leur talent dans l’oubli demeureroit caché.
Et qui sauroit sans moi que Cotin a prêché ?
La satire ne sert qu’à rendre un fat illustre :
C’est une ombre au tableau, qui lui donne du lustre.
En les blâmant enfin j’ai dit ce que j’en croi ;
Et tel qui m’en reprend en pense autant que moi.
EtIl a tort, dira l’un ; pourquoi faut-il qu’il nomme ?
Attaquer Chapelain[2] ! ah ! c’est un si bon homme !
Balzac[3] en fait l’éloge en cent endroits divers.

  1. Tragédie de P. Corneille, jouée en 1667.
  2. Patelain, dans certaines éditions ; P***, en quelques autres. Pourquoi, dit Chapelain, défigurer mon nom ? C’était le seul point dont il se plaignit, suivant Louis Racine.
  3. G. L. Guez de Balzac naquit, en 1594, à Angoulême. Richelieu