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SATIRE VIII.

Maître du monde entier s’y trouvoit trop serré !
L’enragé qu’il étoit, né roi d’une province
Qu’il pouvoit gouverner en bon et sage prince,
S’en alla follement, et pensant être Dieu,
Courir comme un bandit qui n’a ni feu ni lieu ;
Et, traînant avec soi les horreurs de la guerre,
De sa vaste folie emplir toute la terre :
Heureux, si de son temps, pour cent bonnes raisons,
La Macédoine eut eu des Petites-Maisons[1],
Et qu’un sage tuteur l’eût en cette demeure,
Par avis de parens, enfermé de bonne heure !
Mais, sans nous égarer dans ces digressions,
Traiter, comme Senaut, toutes les passions ;
Et, les distribuant, par classes et par titres,
Dogmatiser en vers, et rimer par chapitres,
Laissons-en discourir La Chambre et Coeffeteau.
En voyant l’homme enfin par l’endroit le plus beau.
Lui seul, vivant, dit-on, dans l’enceinte des villes,
Fait voir d’honnêtes mœurs, des coutumes civiles,
Se fait des gouverneurs, des magistrats, des rois,
Observe une police, obéit à des lois.
Il est vrai. Mais pourtant sans lois et sans police,
Sans craindre archers, prévôt, ni suppôt de justice,
Voit-on les loups brigands, comme nous inhumains,
Pour détrousser les loups courir les grands chemins ?
Jamais, pour s’agrandir, voit-on dans sa manie

  1. Boileau après avoir traité dans cette satire Alexandre d’écervelè, d’enragé, de bandit, n’aurait pas dû, plus tard, chercher dans ce souverain un exemple à donner a Louis XIV comme il le fit dans son Art poétique :

    Qu’il soit tel que César, Alexandre ou Louis…


    On ne pense pas à tout ; mais quand on a des ennemis, ils y pensent pour vous, et Pradon et Desmarets firent ce rapprochement qui dut singulièrement déplaire au grand roi.