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SATIRE VIII.

1667.

À M. M… DOCTEUR DE SORBONNE[1]..

SUR L’HOMME.


QuDe tous les animaux qui s’élèvent dans l’air,
Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer,
De Paris au Pérou, du Japon jusqu’à Rome,
Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme.
LeQuoi ! dira-t-on d’abord, un ver, une fourmi,
Un insecte rampant qui ne vit qu’à demi,
Un taureau qui rumine, une chèvre qui broute,
Ont l’esprit mieux tourné que n’a l’homme ? Oui sans doute.
Ce discours te surprend, docteur, je l’aperçoi.
L’homme de la nature est le chef et le roi :
Bois, prés, champs, animaux, tout est pour son usage,
Et lui seul a, dis-tu, la raison en partage.

  1. On pense que cette satire est adressée à Morel, doyen de la Faculté de théologie, grand ennemi des jansénistes, et surnommé Mâchoire d’âne, d’après une ressemblance purement physique. Santeuil, dans une de ses pièces de vers, y fait allusion. Il félicite Morel d’avoir par ses arguments, terrassé autant de jansénistes que Samson, avec sa mâchoire d’âne, avait terrassé de Philistins.